Vie pro : les entretiens d'évaluation ont-ils vraiment un intérêt ?

"Une conversation les yeux dans les yeux (...) pour améliorer l'action collective". Edouard Philippe, le premier ministre manager de France, a commencé, comme il s'y était engagé, à recevoir ses ministres pour réaliser un point d'étape après un an de gouvernance. Une culture du résultat initiée, en 2008, par François Fillon qui remettait alors une grille d'évaluation aux membres de son gouvernement. Et durant la campagne présidentielle, il annonçait dans son programme électoral qu'il ferait, en cas de victoire, passer un entretien annuel à ses ministres. "L'Etat n'est pas une entreprise mais il n'est pas interdit de s'inspirer des méthodes de management qui ont fait la preuve de leur efficacité dans le monde entier", expliquait-il en mars 2017. Une efficacité qui reste cependant à démontrer...

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De nombreuses études pointent, au contraire, les effets contre-productifs de ce système d'évaluation. Dans un article publié dans The Psychological Bulletin, les psychologues Kluger et Denisi estiment même que 30 % des entretiens annuels d'évaluation conduisent à une baisse de la performance des salariés...

Inutile, stressante et inadaptée à l'entreprise

En 2015, un autre article publié dans la Harvard Business Review expliquait que si 80 % des cadres sont attachés à cette méthode d'évaluation, le même pourcentage de collaborateurs la trouve stressante et démotivante. Pire, selon l'auteur, cet exercice imposé ne permet même pas de mesurer efficacement la performance des salariés. Et même si les managers s'en défendent, et estiment que ce rendez-vous doit être mené de la manière la plus franche possible, les collaborateurs, eux, ont surtout l'impression de passer un interrogatoire. D'autant plus désagréable si les relations avec les managers ne sont pas au beau fixe. Quant à ces derniers, ils perçoivent ce moment comme une perte de temps et/ ou une charge de travail supplémentaire.

Bouleverser les méthodes de management 

Des entreprises ont choisi de revisiter leurs méthodes d'évaluation. Le cabinet Deloitte a ainsi mis fin aux entretiens annuels, estimant que l'exercice représentait l'équivalent de 2 millions d'heures de travail, rapporte Les Echos. Une étude démontrant que les évaluations étaient essentiellement subjectives a fini de convaincre la direction. Les auteurs expliquaient que ces méthodes "en disent plus sur celui qui évalue que sur celui qui est évalué". 

Deloitte a préféré mettre en place des entretiens intervenant à chaque fin de projet. "Les managers doivent répondre à cinq questions directes, selon une échelle de 1 à 5, qui les obligent à se demander comment utiliser au mieux les compétences du salarié, et non plus ce qu'ils en pensent", explique le quotidien économique.

Chez Netflix, les évaluations seraient carrément malhonnêtes ne servant "qu'à constituer une base écrite lorsque l'on veut se débarrasser de quelqu'un", a déclaré, à la Harvard Business Review, l'ancienne responsable RH de la plateforme de streaming. L'entreprise a opté pour un système d'évaluation à 360 degrés. Ce sont les salariés qui évaluent leurs pairs, supérieurs et subordonnés. L'absence d'anonymat doit cependant amener à nuancer les propos...

Pour le groupe informatique Adobe, le stress engendré par les entretiens annuels a conduit la direction à développer un nouveau système. "Check In" oblige les managers à évaluer les salariés en temps réel, "c'est-à-dire toutes les huit semaines minimum", souligne Les Echos. Les formulaires ont également été bannis au profit des échanges informels.  Le but : éviter de voir ses collaborateurs une seule fois par an pour lister les bons et mauvais points...

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