Peut-on faire le même travail jusqu’à sa retraite ?

Et vous, est-ce que vous voyez travailler au même poste jusqu’à plus de 60 ans ? Alors que le Sénat vient d’adopter le texte sur la réforme des retraites reportant l’âge légal de départ à 64 ans, une étude de la Dares publiée jeudi dernier rappelle que certains métiers restent difficiles à exercer tout au long de sa vie professionnelle. Plus d’un tiers des salariés déclarent d’ailleurs ne pas pouvoir tenir dans leur travail jusqu’à leur retraite, soit près de 9 millions de personnes.

Difficile d’exercer un métier d’accueil, de soin ou d’ouvrier non qualifié tout au long de sa vie professionnelle

Certaines professions sont jugées particulièrement « insoutenables » selon l’étude. Il s’agit des métiers en charge de l’accueil du public : caissiers, employés des banques, assurances ou de l’hôtellerie-restauration. Une majorité des caissiers (66%) se disent incapables de tenir à ce poste jusqu’à la retraite. Les métiers du soin (infirmière, aide-soignante) sont aussi particulièrement difficiles à exercer jusqu’à l’âge de la retraite, tout comme les métiers d’ouvriers non-qualifiés dans les secteurs de la manutention et du bâtiment.

« Leur travail est caractérisé par des risques physiques plus marqués que la moyenne ou des exigences émotionnelles plus fortes du fait d’un travail plus au contact du public. À l’opposé, les métiers plus soutenables jusqu’à la retraite sont en moyenne plus qualifiés et davantage exercés dans des bureaux, que ce soit dans le public ou le privé », note l’étude. Ainsi, les métiers de secrétaire, techniciens de l’informatique, employés de maison ou employés administratifs de la fonction publique figurent parmi les métiers les plus « soutenables ».

Le fait d’avoir du mal à supporter le même travail jusqu’à la retraite est ressenti de la même manière par toutes les catégories socio-professionnelles, même si les ouvriers et les employés intermédiaires sont davantage concernés que les cadres. En revanche, certains écarts de genre apparaissent, en lien avec la parentalité : 57% des femmes ayant des enfants en bas-âge ne se sentent pas capable de tenir jusqu’à la retraite dans le même travail contre 43% des hommes dans la même situation.

Quelles sont les solutions envisageables pour travailler sans s’épuiser jusqu’à la retraite ?

L’étude émet quelques pistes de réflexion dans la perspective d’un allongement de la durée de travail si la réforme des retraites est adoptée. Pour les salariés interrogés, c’est surtout la hausse de l’autonomie qui leur permet de travailler plus longtemps dans de bonnes conditions. « Les marges de manœuvre laissées aux salariés (choisir la façon d’arriver aux objectifs ou de faire correctement son travail, régler personnellement les incidents, etc.) permettent une meilleure maîtrise de l’environnement de travail et la minimisation des risques », souligne la Dares.

Le soutien social au sein de l’entreprise : recevoir de l’aide de son supérieur, de ses collègues ou la présence d’instances représentatives du personnel permet aussi de limiter certains risques professionnels. En conclusion, plus on se sent entouré ou soutenu, plus on pourrait supporter son travail longtemps.

En revanche, les changements d’organisation ou les dispositifs de prévention semblent avoir peu d’impact sur la soutenabilité du travail, sauf si le salarié est consulté pour la mise en place de ce changement ou dispose d’une information directe à ce sujet. Par exemple, si un salarié est à l’origine de la demande d’aménagement de poste ou de modification de sa fonction, il jugera son travail plus soutenable. Le résultat de cette étude laisse supposer que les employeurs auraient donc intérêt à associer leurs salariés à l’évolution de leur poste de travail en fin de carrière.

Faut-il changer de statut ou de profession pour tenir jusqu’à la retraite ?

« Les salariés qui changent de situation professionnelle sortent plus souvent des situations d’insoutenabilité du travail que les autres », constate l’étude. « Ainsi par exemple, quitter le salariat en devenant indépendant (plutôt que de rester salarié) diminue par plus de deux la probabilité de rester dans un travail insoutenable à trois ans d’intervalle. »

En effet, pour de nombreux salariés, le statut d’indépendant offre une meilleure gestion de l’équilibre vie pro et vie personnelle et une meilleure maîtrise de son temps.

Changer de profession peut aussi être une bonne option pour pouvoir travailler plus longtemps, si cela offre aux salariés de meilleures conditions de travail. Mais, encore faut-il pouvoir le faire assez tôt, « la mobilité décline en particulier avec l’âge : elle concerne 36 % des 20-29 ans, 22 % des 30-39 ans, 15 % des 40-49 ans, contre 10 % des plus de 50 ans », conclut l’étude. Le développement de la mobilité ou de la reconversion pour les salariés senior pourrait donc être une piste afin de leur permettre de se maintenir en activité jusqu’à l’âge de départ à la retraite légal.

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