Mais pourquoi les cadres sont-ils si réfractaires au télétravail ?
Même si le télétravail tend à se généraliser, les cadres ont encore tendance à faire culpabiliser leurs collaborateurs. En cause : une culture managériale portée sur le présentéisme.
"Profite de ta journée libre !" "Dans télétravail, il y a télé", accompagné du rire gras qui va avec. Combien de managers lancent encore ce genre de réflexions à leurs collaborateurs qui travaillent un, ou plusieurs, jours par semaine en télétravail ? Il n'existe aucun chiffre sur le sujet mais, pour de nombreux salariés, demander à pouvoir travailler à distance est une gageure. Pourtant, tout prouve que le travail à distance ne pose pas de problème de management particulier et entraîne rarement une baisse de la productivité. Il n'empêche : seuls 55 % des managers se disent favorables à son adoption, selon une étude menée par Malakoff Médéric en 2019. Et de citer les difficultés de gestion et d'organisation de leurs services, la complexification des échanges, voire l'empiétement de la vie pro sur la vie privée. Dans les faits, parmi les managers qui ont franchi le pas, ils sont sont à peine 18 % à faire part de difficultés. Alors, qu'est-ce qui cloche ?
Les jeunes cadres en pointe sur le télétravail
La réticence au télétravail est en partie générationnelle (49 % des cadres de moins de 30 ans souhaitent eux-mêmes pouvoir télétravailler*) mais pas que. Selon une étude de l'Essec menée auprès de ses étudiants, le télétravail n'a par leur faveur. Ces jeunes, un peu vieux dans leur tête, sont encore attachés au bureau fermé, et à une hiérarchisation marquée des rôles. Quitte à ne s'attarder qu'à l'image... Comme le faisait remarquer la philosophe Julia de Funès au site Paperjam, le management moderne est miné par des "dérives infantilisantes" qui font qu'au final "on travaille mieux de chez soi, car on peut être en peignoir sur son canapé, mais au moins on est dédié à son boulot" plutôt qu'à l'image que l'on souhaite renvoyer aux autres. Elle rappelle, au passage, aux managers qu'un "management efficace, c'est un management qui fait confiance. Les gens sont suffisamment adultes et responsables pour bosser quand on leur fait confiance. Et s'ils ne bossent pas chez eux, c'est qu'ils ne bossent pas non plus au bureau".
Faire confiance donc, mais aussi ne pas craindre pour sa place. Mais il faut alors comprendre que le rôle du manager ne se limite pas à jouer de la carotte et du bâton mais il est aussi d'accompagner ses employés dans leur travail. Sans oublier que pour de nombreux managers, l'implication des collaborateurs est au prorata de leur présence au bureau. Citée par le magazine Challenges, Aurélie Leclercq-Vandelannoitte, explique que les "responsables d'équipe restent malheureusement encore très ancrés dans des postures de managers-contrôleurs où le présentéisme est l'un des seuls critères qui témoignent de l'implication du collaborateur". Ces stakhanovistes de la pendule, pour reprendre un titre du Monde, estime encore que rester tard au bureau démontre que l'on bosse. Combien de promotions échappent d'ailleurs à ceux, mais le plus souvent à celles, qui partent pile à l'heure pour aller chercher leurs enfants ou qui ont d'autres obligations ?
Les chiffres prouvent pourtant le contraire. Selon une étude américaine menée en 2016 les employés malades qui se rendent au travail font perdre, chaque année, plus de 225 milliards d'euros aux entreprises à travers le monde. La France n'est sûrement pas en reste : 62 % des salariés ont déclaré en 2019 s'être déjà rendus au travail même en étant malade. Il est difficile de changer les mentalités...
*Sondage OpinionWay-Horoquartz
(Getty Images)
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