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Être bien au travail

Dans cette entreprise canadienne, vos augmentations sont validées par vos collègues

Par Hugo Diverres Publié le

Clément et Romain Meyer, étudiants à l’emlyon et diplômé de l’université Paris Dauphine, parcourent le monde à la recherche de pratiques innovantes dans les entreprises*. Cette semaine, focus sur un système de revalorisation salariale qui s’appuie sur la transparence collective et la responsabilité individuelle.

Dans cette entreprise canadienne, vos augmentations sont validées par vos collègues

Vous pensez mériter une augmentation sans en être convaincu à 100% ? Certains collègues s’accordent à dire que vous n’êtes pas récompensé à votre juste valeur quand d’autres estiment que vous êtes parfaitement à votre place dans la grille salariale ? L’heure de votre bilan annuel est arrivée et vous ne savez pas comment aborder le sujet avec votre manager ?

Une entreprise canadienne a mis au point un processus de révision salariale aussi strict que fiable pour que chacun soit payé à sa juste valeur selon des critères les plus objectifs possibles.

Un système de gouvernance holacratique

Entreprise canadienne de 45 salariés, Moov AI est spécialisée dans l’intelligence artificielle et le machine learning. Et elle n’est pas seulement innovante dans ses produits mais aussi dans son mode de gouvernance, fondé sur l’holacratie.

L’holacratie est un système d’auto-organisation, à l’opposé des systèmes pyramidaux qui régissent la plupart des entreprises classiques, dans lequel les responsabilités sont réparties et l’autorité distribuée entre des équipes autoorganisées. Chaque équipe fonctionne en autonomie et contribue au bon fonctionnement d’un système plus vaste, tel un organisme vivant composé de plusieurs cellules.

Pour mettre en place ce système, Moov AI s’appuie sur 4 valeurs essentielles de sa culture :

  • No bullshit
  • Positive mindset
  • Ensemble
  • Partage

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La transparence au cœur du système de revalorisation salariale

Ce sont ces quatre valeurs qui sont également à la base de leur innovant processus de révision salariale : le courage d’exprimer ses désaccords et de dire la vérité (No bullshit), le caractère collectif de la démarche (Ensemble, Partage), une approche constructive et la quête de progrès constante (Positive Mindset).

« Dans ce système holacratique, la révision salariale s’appuie sur des rôles et des redevabilités et non sur des postes traditionnels. A ce titre-là, la transparence est primordiale pour la réussite du processus. » explique Clément.

La transparence des salaires de tous les employés, qui sont répertoriés et accessibles à tous, est ainsi le préalable à la mise en place du système. La situation financière et le contexte économique du secteur dans lequel évolue l’entreprise sont également des données connues de chaque salarié.

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Une procédure stricte qui encadre et rassure tout le monde

Un salarié ne peut demander une augmentation de salaire que dans 3 scénarios précis :

• Scénario 1 : douze mois se sont écoulés depuis sa dernière révision salariale. Le salarié est donc obligé d’en solliciter une nouvelle.

• Scénario 2 : Le salarié demande de lui-même une révision salariale s’il le juge opportun, 6 mois minimum après la fin du dernier processus

• Scénario 3 : Un salarié obtient ou perd certains rôles dans son travail. Il doit évaluer si ce changement mérite ou non l’ouverture d’une révision salariale

Un document en quatre parties pour préparer la réunion

Si un salarié sollicite une révision salariale, il doit alors compléter une fiche appelée canevas du demandeur.

Il remplit une première partie appelée « rôle et redevabilités » où il inscrit ses missions et rôles dans l’entreprise ainsi que toutes les expériences professionnelles pertinentes qui lui permettent d’accomplir son travail.

« En fonction de la rareté ou du besoin de certaines expériences, l’augmentation salariale peut-être plus ou moins importante. Dans tout ce que tu as fait dans ta vie, qu’est-ce qui est pertinent pour ton poste actuellement ? » détaille Clément.

Dans une deuxième partie, il renseigne les salaires pour des rôles comparables au sien dans l’entreprise mais aussi les salaires pour des postes comparables au sien à l’extérieur de l’entreprise ! Moov AI se base sur le classement des salaires Randstad mais fait aussi appel à un cabinet de conseil afin d’avoir un classement encore plus précis sur les salaires canadiens. Le but est que le salarié puisse se faire une idée de l’échelle raisonnable de son salaire.

Dans une troisième partie, le salarié consigne ensuite son salaire actuel et le nouveau salaire qu’il demande.

Dans la quatrième partie, il choisit les autres salariés qui participeront au processus de révision salariale : les pairs qui décideront pour lui de son nouveau salaire. Les critères pour le choix des participants sont :

  • Avoir le même rôle que le demandeur et interagir quotidiennement avec lui
  • Ne pas avoir le même rôle mais interagir quotidiennement avec lui
  • Ne pas avoir le même rôle et ne pas interagir au quotidien avec lui, pour amener un point de vue différent dans le groupe.

A cela s’ajoute un facilitateur, un salarié qui est chargé de la bonne tenue et de l’animation de la rencontre, une sorte de juge arbitre qui ne donnera pas son avis. Il est désigné par le cercle des facilitateurs, des salariés spécialement formés pour cela.

Le demandeur publie ensuite la liste des participants sur une messagerie instantanée dédiée. Chaque membre de l’entreprise doit émettre un avis favorable ou non au choix des participants et le demandeur doit répondre à chacun d’entre eux. Objectif : pas de bullshit. Chacun émet la critique ou le commentaire qu’il croit nécessaire. Le choix des participants doit être légitime pour tous les salariés afin que le salaire décidé soit le plus juste et équitable possible aux yeux de tous. Les salariés ont 2 jours ouvrables pour émettre des commentaires.

Vous avez dit complexe ? C’est au contraire dans sa rigueur que se niche toute la pertinence du processus observe Clément :

« Les systèmes holacratiques et les organisations plates sont souvent caricaturés comme des systèmes anarchiques où tout le monde se réunit autour d’une table pour donner son avis. Ce type de système est au contraire très procédural, ce qui est paradoxalement rassurant : tout le monde sait à quoi s’en tenir. Chaque action a des conséquences connues de tous, les salaires sont connus de tous, etc. Les comportements abusifs sont donc évités grâce à une forme de pression sociale. C’est très bien pensé. »

« Dans un système holacratique, tout doit être très écrit et procédural puisque chacun est indépendant » abonde Romain.

Le déroulé de la réunion

Vient enfin le fameux jour de la réunion de révision salariale, une véritable cérémonie ! C’est au demandeur de trouver le jour adéquat pour tout le monde et d’inviter les participants. La réunion dure deux heures environ. Chaque participant reçoit le canevas complété par le demandeur … sans le salaire souhaité.

Chacun se présente (rôle, date d’arrivée, etc.) puis le demandeur expose les raisons de sa demande de révision salariale, ses expériences passées, etc. S’engage ensuite une discussion entre tous les participants ayant pour but de s'assurer que le salaire actuel du demandeur est équitable. Chacun expose ses réflexions et questions préparées en amont et les grilles salariales internes et externes sont passées en revue.

L’organisation est très précise et chaque étape est respectée rigoureusement. « Le système a été lancé récemment, il y a sans doute plus de souplesse lors de chaque étape et le but à terme est que ça devienne un automatisme au sein de l’entreprise. Pour l’instant tout le monde suit le processus à la lettre. Ça participe à la réussite de celui-ci. » note Clément.

Puis une pause silencieuse de 5 minutes est décrétée. Chaque participant écrit le nouveau salaire qu’il pense être le plus adéquat pour le demandeur dans une messagerie instantanée. Au moment où le facilitateur donne son top, tout le monde publie en même temps. Chacun explique alors son raisonnement. Si le résultat est unanime, le salaire est adopté. Dans le cas contraire, un nouveau round a lieu.

« Tout ce processus peut nous paraître rigide à première vue » constate Clément, « mais c’est très fluide dans la réalité » précise-t-il :

« Finalement, ce n’est rigide que pour la personne concernée par la révision salariale – ce qui est normal au fond – et pour le facilitateur. Pour les 3 participants, il n’y a aucune lourdeur. Avec 45 personnes au sein de l’entreprise, il y a souvent des demandes de révision car de nouvelles missions sont attribuées régulièrement. Mais ils commencent tous à être bien rodés et en 2/3 jours chaque processus de révision est terminé. »

Un système qui s’améliore en permanence et ravit les salariés

A l’issue de la réunion, les participants évoquent leur perception de la rencontre et donnent des pistes d’amélioration. Les feedbacks sont ensuite publiés auprès de l’ensemble des salariés ainsi que le nouveau salaire. Seul cas où le salaire n’est pas appliqué tout de suite : si la revalorisation est supérieure de 12% aux grilles salariales externes. La décision doit alors être validée par un « conseil d’équité » qui doit s’assurer que le nouveau salaire n’affecte pas la pérennité de l’organisation ni l’équité entre les salariés.

Mais les révisions salariales restent le plus souvent mesurées selon les frères Meyer : « Si tu commences à demander une augmentation de 50% de ton salaire alors que tu n’as pas augmenté de 50% ta valeur, ça ne passerait pas et les gens ne le feraient de toute façon pas. »

Les salariés sont globalement satisfaits du système car « ça renforce le sentiment de confiance et le sentiment d’appartenance » explique Clément :

« C’est un véritable changement de mentalité par rapport au salaire. Il y a beaucoup de données sur la table pour aider à la décision donc ça encourage l’intelligence personnelle. Le processus est d’ailleurs en amélioration constante pour avoir toujours plus de critères et de données. Il y a également une forme d’intelligence collective car le groupe a un impact sur le sens de la responsabilité de chacun. Il n’y a donc aucun abus sur les demandes. D’ailleurs tout le monde est formé à la communication non violente pour que le processus se passe le mieux possible. »

Le témoignage d’un salarié de l’entreprise sur LinkedIn confirme à quel point le système est apprécié en interne !

L'avis de Yaël Guillon, co-fondateur d'Imfusio, spécialiste de la transformation des organisations

« L’argent est probablement l’un des sujets les plus complexes et les plus délicats à traiter en entreprise - pour ne pas dire un sujet tabou dans beaucoup d’organisations. Il y a deux écueils principaux dans les échanges sur l’argent. D’abord, c’est souvent le seul ou le principal élément de reconnaissance et de valorisation dans une entreprise. Les échanges autour d’une augmentation portent donc en réalité sur bien plus qu’un montant de salaire - sans que ce soit explicite. Ensuite, le rapport à l’argent est très individuel, et provient de notre éducation personnelle. Ce sont donc d’abord des jugements de valeur à partir d’un référentiel personnel et implicite qui prennent place dans les échanges sur l’argent en entreprise. La solution proposée par Moov AI est intéressante à double titre. Par la quête d’information, de données objectives et la mise en œuvre d’un processus précis et strict, Moov AI cherche à réduire au minimum les jugements de valeur “irrationnels” dans le processus - favorisant ainsi l’équité réelle. Et parce que le processus est très précis et détaillé, il laisse une vraie place aux échanges et à l’écoute, pour sortir des logiques de négociations et de confrontation habituelles dans les discussions sur l’argent. Ils arrivent ainsi à concilier intérêt individuel et intérêt collectif, sans sacrifier l’un ou l’autre. Pouvoir mettre un tel processus en place requiert d’abord de transformer l’état d’esprit de l’entreprise, et de faire de l’argent un objet, et non une fin. Malheureusement, le processus ne suffit pas, c’est un enjeu culturel avant tout. »

*L’odyssée managériale, c’est 6 mois de voyage, 8 pays traversés et la rencontre de dizaines d’entreprises qui cassent les codes et inventent le management de demain. Les étudiants sont guidés et soutenus dans leur exploration par trois entreprises mentors, acteurs majeurs français de l’innovation managériale, Imfusio, Altman Partners et The NextGen Enterprise. Pour en savoir plus et suivre le voyage de Romain et Clément, consultez le site de l’Odyssée managériale ou contactez-les sur LinkedIn :

Crédits photo : Lakee MNP/stock.adobe.com

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