"Je pense mériter un meilleur salaire, voici pourquoi " : et si le montant des salaires était négocié collectivement ?
Clément et Romain Meyer, étudiants à l’emlyon et diplômé de l’université Paris Dauphine, parcourent le monde à la recherche de pratiques innovantes dans les entreprises*. Cette semaine, zoom sur un modèle de prise de décision par consentement où le salaire de chacun est validé collectivement.

Qui a réellement décidé de votre salaire ? Votre patron ? Votre convention collective ? Le marché ? Un peu tout ça à la fois… ? Mais que se passerait-il si vous décidiez tous ensemble, avec vos collègues, quel salaire chacun d’entre vous mérite de gagner au sein de votre entreprise ? Une entreprise brésilienne a voulu tenter l’expérience et, après un long cheminement vers une culture axée sur la confiance, a fini par mettre en place un processus collectif de décision de salaire.
La prise de décision par consentement
Tribo est un cabinet de conseil brésilien de 16 employés, qui fonctionne en full remote et dont la culture d’entreprise est tournée vers l’humain, comme en témoigne leur mantra : « every business challenge is a people challenge » (chaque défi commercial est un défi humain).
Leur mode de gouvernance est basé sur la confiance, envers autrui mais aussi envers soi-même. Une valeur difficile à faire advenir au sein d’une entreprise selon Stéphanie, la dirigeante de Tribo que Romain et Clément ont pu rencontrer, mais qui vaut la peine d’être recherchée, car elle garantit une amélioration du bien-être de chaque salarié sur le long terme.
Toutes leurs décisions sont ainsi prises par consentement. La majorité des salariés n’a pas besoin de donner un avis favorable à chaque décision, il suffit qu’aucun désaccord ne soit manifesté pour qu’elle soit consentie par tout le monde. Une décision d’investissement peut par exemple être portée par un salarié, qui expose son idée à tout le monde lors d’une réunion Zoom. Si un salarié consent à cette décision, il poste un pouce en l’air, s’il ne consent pas, il fait un geste de main ouverte à la caméra. Pourquoi ? Car une objection doit être vue comme un cadeau et non comme un désaccord.
Depuis 2018, l’entreprise planche aussi sur la question des salaires pour tenter de trouver le meilleur processus possible. La suite logique d’un cheminement, selon Romain : « La question du salaire constitue l’étape finale en termes de confiance, cela arrive après un gros travail sur la culture de l’entreprise. C’est d’ailleurs souvent le paroxysme en termes de pratiques, c’est quelque chose de commun à toutes les entreprises que nous avons pu rencontrer : elles nous ont toutes dit que c’était compliqué d’aborder le salaire, certaines refusent d’ailleurs d’aller sur ce terrain de peur de créer trop de problème. Affronter ce sujet-là en entreprise, c’est quelque chose de très courageux et ça arrive souvent à la fin de tout un processus. »
Pour parvenir au mode de rémunération parfait, Tribo s’appuie sur trois principes fondamentaux qui doivent porter une culture d’entreprise humaine :
- La transparence
- L’autonomie
- La confiance envers les autres et en soi-même
Première étape, la transparence totale des salaires
Portés par leur quête de confiance, les salariés de Tribo décident donc en 2018 de mettre en place une transparence totale des salaires.
Le processus est annuel et se déroule en trois étapes :
- 1ère étape : Chacun explique comment il se sent vis-à-vis de son salaire sans que personne ne sache les salaires des autres.
- 2e étape : Tout le monde révèle son salaire.
- 3e étape : Les salariés refont un tour de table pour savoir comment ils se sentent après avoir découvert le salaire des autres.
Des moments forts en émotion précise Romain : « Ils font désormais toujours ça en début d’année lors de l’immersive journey, un moment où ils créent de nouvelles stratégies et process de gouvernance. Au début, ils sont passés par des moments assez difficiles émotionnellement dans leurs quêtes de nouvelles pratiques… »
De l’échec du système méritocratique…
Tribo a ensuite voulu bâtir un nouveau système de rémunération basé sur le mérite individuel. Le principe est simple et repose sur le bonus : toutes les missions sont objectivées et plus les employés sont performants, plus ils touchent de primes.
Un système méritocratique qui s’est révélé être un échec cuisant, en grande partie car il n’était pas adapté à leur gouvernance collective selon Clément : « Sans hiérarchie, chacun maximisait ses tâches et missions au quotidien. Résultat, certains étaient crevés, ce qui n’était pas le but… chacun jouait de façon perso ! Cela a contribué à une augmentation des burn out, des frictions en interne, à un individualisme exacerbé… Alors qu’ils cherchaient tout l’inverse au départ. »
A la suite de ce raté, Tribo décide de créer un cercle de réflexion sur la question de la rémunération, afin que le nouveau système ne soit plus centré sur la méritocratie mais sur le développement des employés.
Un échec salvateur qui n’a rien d’étonnant selon Clément : « Quand on parle de salaires, de transparence des salaires, de toutes ces pratiques innovantes… n’oublions pas qu’il s’agit d’entreprises très avancées sur les sujets du management et de l’innovation managériale et que, même dans ce genre d’entreprise où un grand esprit de confiance règne, ce sont des processus très compliqués et très longs… Mais une fois que tu as réussi ça, à être en confiance sur les salaires, plus rien ne peut t’arriver en quelque sorte. »
…à la décision collective des salaires par consentement
C’est finalement en se recentrant sur leur modèle de décision par consentement qu’ils vont parvenir à définir leur système actuel de rémunération.
- Chaque salarié présente aux autres le salaire qu’il pense mériter et donne ses arguments.
- Chacun peut lui poser des questions, demander des précisions ou faire des remarques.
- Le salarié en question les intègre ou non puis pose la dernière question : « Avez-vous une objection sur ce salaire que j’aimerai percevoir ? »
- S’il n’y aucune objection, le salaire est adopté !
Un système simple à première vue qui alimente une « culture de confiance incroyable » selon Romain : « Ça la démultiplie car c’est extrêmement puissant quand tu dois proposer un salaire pour toi devant les autres et que tu dois te vendre. Si ce pari est réussi, cela te donne une culture d’entreprise unique au monde. C’est en revanche risqué si les questions de management n’ont pas été mises sur la table en amont. La refonte des pratiques salariales doit être vu comme un but, pas comme le moyen. »
Selon la PDG de Tribo, s’évaluer soi-même face aux autres employés est en effet l’étape ultime du niveau de confiance entre salariés et l’une des manières les plus puissantes pour aller vers des organisations plus humaines.
Mais ce système est-il possible ailleurs, dans une entreprise avec un plus grand effectif ? « Tout à fait possible » selon Clément : « L’argument de l’impossibilité pour un grand groupe de mettre ce genre de système en place ne tient pas puisqu’en réalité, c’est à l’échelle des équipes que cela se met en place. Avec des gens formés et des facilitateurs, aucune raison que ça ne fonctionne pas. »
*L’odyssée managériale, c’est 6 mois de voyage, 8 pays traversés et la rencontre de dizaines d’entreprises qui cassent les codes et inventent le management de demain. Les étudiants sont guidés et soutenus dans leur exploration par trois entreprises mentors, acteurs majeurs français de l’innovation managériale, Imfusio, Altman Partners et The NextGen Enterprise. Pour en savoir plus et suivre le voyage de Romain et Clément, consultez le site de l’Odyssée managériale ou contactez-les sur LinkedIn :
Crédits photo : Lakee MNP/stock.adobe.com
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