Le micro-travail, un phénomène qui pose question
Des micro-tâches payées quelques centimes : bienvenue dans le « travail au clic ».

On peut le faire depuis son ordinateur, ou même depuis son portable. Des “micro-tâches” numériques qui ne demandent aucune qualification spécifique, parfois réalisées en quelques secondes pour une poignée de centimes : bienvenue dans le monde du micro-travail, à cheval entre l'intérim et la micro-entreprise.
Aussi appelé « travail au clic » ou « crowdworking », ce phénomène relativement récent repose sur une optimisation monétaire du temps libre : plutôt que de jouer à Candy Crush en attendant son bus ou stalker des inconnus sur Instagram dans la queue du supermarché, pourquoi ne pas effectuer des petites tâches rémunérées ?
La « foule », vivier de travailleurs flexibles
« Cela couvre un tas de tâches différentes, explique Isabelle Gire, responsable de la prospective à l'Apec. Sous-titrer des vidéos, faire des photos dans des supermarchés, aller vérifier pour une entreprise qu’un de leur produit est bien mis en avant dans telle enseigne… »
Pour « micro-travailler », pas besoin de postuler : il suffit de s’inscrire sur une plateforme de travail numérique. En tout, il en existerait plus d’une vingtaine, dont plusieurs appartenant à des entreprises françaises. Dans un rapport remis en décembre 2022, la Commission européenne décrit ces sites proposant ces micro-tâches comme un « type de plateforme de travail numérique en ligne qui permet aux entreprises et à d’autres clients d’accéder à une main-d’œuvre importante et flexible ». Ce vivier de travailleurs a un nom : la « foule ».
Micro-tâche, macro-rémunération
Peut-on vivre du micro-travail ? Difficile de l'imaginer : il faudrait faire plusieurs milliers de ces micro-tâches par mois. Ce n’est d’ailleurs pas l’essence du travail au clic, qui fait office de complément de revenus, en tout cas en ce qui concerne l’Hexagone. Pour chacune de ces tâches ultra fragmentées, qui ne prennent que quelques secondes, la rémunération n’excède pas une poignée de centimes : bien que payée à la tâche, elle se situerait entre 2 et 3 euros de l’heure, soit bien en deçà des minimums légaux.
Difficile d’évaluer le nombre exact de personnes concernées par cette forme de travail, mais selon une enquête menée par le projet DiPLab (Digital Platform Labor), cela concernerait entre 15 000 et 20 000 Français. Un phénomène qui n’est donc pas encore massif, mais qui a de quoi interroger.
Isabelle Gire précise : « En France, ça concerne en grande majorité des gens en CDI qui veulent arrondir leurs fins de mois (...). On est loin de la mère de famille monoparentale qui touche le Smic, on parle là de gens qui ne sont pas en grande difficulté financière. » En 2019, l’Ires (l’Institut de recherches économiques et sociales) estimait que 78% des micro-travailleurs vivaient au-dessus du seuil de pauvreté, et que 71% le faisaient en complément d’un travail à plein temps.
L'externalisation du micro-travail dans l'IA
Parmi les secteurs qui ont le plus recours aux micro-travailleurs : l’intelligence artificielle, dont les systèmes encore imparfaits ont besoin d’être entraînés, ou plutôt évalués. Une importante partie des fouleurs se voient donc participer à différentes phases de vérification et de validation des résultats générés par les algorithmes : améliorer un sous-titrage automatique, automatiser la perception d’une information par l’ordinateur, modérer les propos générés par une IA pour l'empêcher de créer du contenu à caractère discriminatoire, etc.
Ces tâches chronophages et peu valorisées sont principalement externalisées dans des pays au PIB bien inférieur à la France. Récemment, une poignée de médias ont mis en lumière certaines pratiques d’entreprises françaises spécialisées dans l’IA qui sous-traitent ce genre de service dans des pays d’Afrique, plus particulièrement Madagascar. Une main d'œuvre le plus souvent sous-payée et aux conditions de travail problématiques : pas de protection sociale ni de garanties de revenus et encore moins de cotisations pour la retraite.
Un droit du travail inexistant
Situé dans un angle mort du Code du travail, le micro-travail ne semble entrer dans aucune case légale, pas même celle qui régit les plateformes de livraisons type Uber ou Deliveroo. D’ailleurs, cette activité ne s’encombre pas de contrat ou de devis : il suffit la plupart du temps de télécharger l’application et d’accepter des conditions générales, comme lorsqu'on achète un billet de train ou une paire de basket.
« Ils sont payés à la pièce, sans aucune autre forme de protection. Ça nous ramène au 19ème siècle, où on louait des services [...], on payait directement à la tâche et on considérait que travail contre salaire, point barre, ça suffisait », estimait la sociologue Pauline Barraud de Lagerie dans une vidéo Brut, en 2019. « Toute l’histoire sociale du 19ème, c'est celle de la création du droit du travail qui protège les travailleurs contre cette forme de paiement à la tâche sans encadrement légal ».
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