Qu'est-ce que le « travail cupide » qui pénalise la carrière des femmes ?
D’après les travaux de Claudia Goldin, prix Nobel d’Economie, ce terme recouvre l’une des clés de compréhension des inégalités salariales.

Attendre d’un salarié qu’il ne compte pas ses heures et qu’il soit disponible jusqu’à tard le soir, voilà un des facteurs des inégalités salariales dans le monde du travail aux Etats-Unis selon Claudia Goldin. L’économiste américaine a été distinguée début octobre par le prix Nobel d’économie. Elle nomme ce concept, « le travail cupide », soit la faculté à travailler sans contraintes personnelles pour gagner plus d’argent.
Le travail cupide ou le problème des horaires longs survalorisés dans le monde du travail
Au cours de ses différentes recherches, Claudia Goldin a mis en avant l’un des principaux facteurs des inégalités salariales : les postes bien rémunérés mais qui demandent en contrepartie un investissement horaire conséquent et une disponibilité à toute épreuve. Elle définit donc le travail cupide par le fait de « rémunérer de manière disproportionnée quelqu’un qui travaille un plus grand nombre d’heures par rapport à quelqu’un qui a moins de contrôle sur ses heures ».
Dans une interview accordée à la Harvard Business Review, Claudia Goldin détaille les principaux signaux d’une situation de travail cupide : « Il peut s’agir d’un travail urgent, d’un client exigeant qui appelle à 23 heures ou d’un superviseur qui demande au travailleur de renoncer à un jour de vacances pour un projet. L’entreprise a estimé que le paiement supplémentaire valait la peine pour que le travail soit effectué sur un plus grand nombre d’heures, ou pendant des heures irrégulières ».
Et, cette organisation du travail pénalise les femmes, plus nombreuses à devoir jongler entre leurs emplois du temps professionnel et personnel, prenant souvent la charge du soin d’un parent ou d’un enfant. Elles renoncent bien souvent à des postes leur demandant une trop grande disponibilité horaire et des horaires irréguliers pour privilégier leur équilibre de vie, en réduisant même parfois leur temps de travail. 30% des mères sont à temps partiel contre 4,8% des pères selon l'Insee. Et donc, qui restent-ils pour accepter ces métiers très bien payés mais très chronophages ? Eh bien, le plus souvent, des hommes !
Une meilleure répartition des tâches domestiques comme moyen de réduire les inégalités salariales
Selon l’économiste américaine, la fin des inégalités salariales passera forcément par une meilleure répartition des contraintes familiales entre les deux sexes. Et les employeurs peuvent y contribuer.
Elle préconise ainsi l’instauration de mesures pour favoriser la parentalité en entreprise afin de permettre d’équilibrer les carrières féminines et masculines. Les travaux de Claudia Goldin montrent que l’écart entre les hommes et les femmes s’accroît à la naissance du premier enfant. Aussi, « inciter les hommes à prendre un congé parental et l’utiliser réellement pour des raisons familiales est un bon moyen d’accroître l’équité dans les entreprises et dans les couples », souligne la chercheuse.
Cette question des inégalités salariales relève même de la sphère privée avec des choix de carrière à questionner au sein du couple. Actuellement, dans un couple hétérosexuel, ce sont plus souvent les femmes qui quittent un emploi bien rémunéré pour trouver un poste plus flexible afin d’assurer la charge familiale ou s'arrêtent même de travailler pour éviter des frais de garde.
En 2018, selon l'Insee, 96% des personnes qui arrêtaient de travailler pour prendre soin d'un enfant étaient des femmes. Or, dans un couple, « s’ils sont tous les deux avocats, par exemple, ils pourraient travailler dans des cabinets de taille moyenne plutôt que l’un travaillant dans un gros cabinet en étant très bien rémunéré et l’autre dans un petit cabinet avec des horaires souples », explique Claudia Goldin, tout en rappelant que le choix est aussi financier, et qu’il est parfois difficile de renoncer à un poste avec un très gros salaire, tant le phénomène de travail cupide imprègne le monde du travail américain. « L’équité d’un couple coûte de l’argent et ce coût est d’autant plus élevé que le travail est cupide ».
Pour Claudia Goldin, la mise en place de dispositifs de garde par les entreprises, comme des crèches subventionnées peut aussi être un bon levier à activer pour réduire les inégalités salariales. Elle libère du temps pour les parents qui confient leur charge parentale à une autre personne, le temps de leur travail. Elle cite l’exemple de la Suède qui a développé fortement les garderies subventionnées et dont les inégalités salariales sont bien inférieures à d’autres pays développés comme les Etats-Unis. « Cependant, des questions subsisteront quant à savoir lequel des deux parents répondra à l’appel d’urgence de l’infirmière scolaire ou emmènera sa mère ou son père âgé chez le cardiologue ? », rappelle l’économiste qui se dit malgré tout optimiste face à un monde du travail post-covid où les problématiques d’équilibre vie pro/vie perso ont émergé et où la question des inégalités salariales devient un enjeu pour tous les candidats.
Crédits photo : Pixel-shot/stock.adobe.com
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