L'humoriste Karim Duval casse les clichés sur l'humour en entreprise

Quelle place pour l’humour dans la vie pro ? Eléments de réponses avec l’humoriste Karim Duval, auteur du "Petit précis de culture bullshit" aux Editions Le Robert.

« Est-ce que ce n’est pas ça justement qui inhibe le rire ? » 

Yoga du rire, management par l’humour… excellent pour la productivité, contre le stress, outil de cohésion… Si les bienfaits de l’humour en entreprise ne cessent d’être vantés depuis quelques années, savoir le manier sur son lieu de travail n’est pas si simple. Entre la bienséance la plus élémentaire en collectivité, la hiérarchie du monde du travail et le caractère subjectif (et corrosif) de l’humour, tout le monde sait qu’on ne raconte pas les mêmes blagues à son N+2 qu’à ses amis.

Simple phénomène de mode ? En partie selon Karim Duval, qui n’est notamment pas tendre avec le Yoga du rire : « La place de l’humour dans la vie pro, c’est une question qu’on me pose souvent : est-ce qu’on a le droit de rire de tout en entreprise, au travail, etc. Il y a toute une mode en ce moment autour du management par l’humour, le lâcher prise à travers l’humour, avec des gens qui proposent des formations autour de l’humour… et moi j’en peux plus  de tous ces trucs autour de l’humour ! Il y a le Yoga du rire aussi… déjà l’humour et le rire ce n’est pas la même chose... Moi en tout cas je suis un peu anti-Yoga du rire. Le but du Yoga du rire est de rire pour se faire du bien… Pour moi, c’est un peu comme s’injecter du viandox pour avoir l’impression de manger une entrecôte ! »

D’ailleurs, si on veut vraiment rire de bon cœur au travail, en parler comme d’un énième outil de management n’est certainement pas une bonne idée selon l’humoriste : « Je ne veux surtout pas être ce portevoix de l’humour à tout prix. Avant on ne parlait pas de l’humour en entreprise et au travail. Il y a une mode du rire mais est-ce qu’on a vraiment besoin de prendre du recul par rapport au rire au travail pour avoir le droit de rire. Est-ce que ce n’est pas ça justement qui inhibe le rire ? »

« C’est drôle qu’on se pose cette question »

Son conseil ? « Bois un café, rigole, raconte ton weekend, ton anecdote, ce que tu as vu… et puis change rien ! C’est déjà pas mal tout ça. A une époque où soi-disant on a le droit de rire de tout, où on prône la liberté d’expression, c’est drôle qu’on pose cette question. A une époque où on vante l’entreprise libérée (même si c’est un concept bien précis), l’horizontalisation, la communication entre les gens, etc. On se pose pourtant la question : « est-ce que je peux rire ? » Je pense que si tu as envie de rire, tu ne peux pas te retenir déjà. C’est ce que je dis dans mon spectacle : on ne peut pas retenir un rire, on ne peut pas forcer un rire. C’est la différence fondamentale entre le rire et le pet. On peut réprimer un pet, on ne peut pas réprimer un rire. Si c’est drôle, on rigole c’est tout… donc ne demande pas l’autorisation de rigoler ! »

Et quant à la fameuse question, peut-on rire de tout ? Elle est d’autant plus pertinente dans le monde professionnel nous explique Karim Duval, qui pointe ici un paradoxe :

« La vraie question, c'est est-ce qu’on a le droit de parler de tout au travail ? Y compris ce qui gratte ! Ce qu’il y a derrière l’humour, c’est souvent ce qui gratte. C’est d’ailleurs marrant qu’on se pose la question de l’humour pour vouloir en fait parler de ce qui n’est pas drôle du tout. »

Crédits photo : HelloWork