INTERVIEW : "Être soi-même au travail, ça devrait être normal"
Rencontre avec Ana de Boa Esperança, directrice Innovation Sociale chez Randstad France, sur les enjeux de l'étude Workmonitor 2024.

Imaginez un lieu où chaque jour, vous enfilez un masque, où vous laissez une partie de vous-même à la porte. Ce lieu, c'est souvent celui du travail. À l'heure où les jeunes générations revendiquent plus que jamais leur droit à l'authenticité, qu'en est-il réellement dans les bureaux ? D'après l'étude Workmonitor 2024 de Randstad, un tiers des travailleurs n’ont pas l’impression de pouvoir être pleinement eux-mêmes au travail.
Pourquoi avons-nous tant de mal à être nous-même au travail ?

À quelques pas de la porte du bureau, de nombreux salariés enfilent un masque social pour se protéger des regards et du jugement de leurs collègues. Ils cachent leurs émotions et adaptent leur comportement, au dépens d'une véritable connexion avec les autres. « C'est une pression vis-à-vis de ses collègues, mais surtout de ses supérieurs. On a tendance à davantage se confier à un tiers qu'à son RH par exemple », complète Ana de Boa Esperança, directrice Innovation Sociale chez Randstad France. Selon la récente étude Workmonitor de Randsad, plus d'un travailleur sur deux camoufle certains aspects de sa personnalité au travail. Nous avons tous déjà entendu cette petite voix intérieure qui nous murmure que nos idées peuvent être ridicules, que nos blagues peuvent tomber à plat, ou que notre opinion peut ne pas être appréciée.
Cette peur nous pousse à nous conformer plutôt qu'à laisser transparaître notre véritable personnalité. Pour notre interlocutrice, ce sentiment est lié à différents facteurs : « C'est la peur d'être jugé, la peur de décevoir et la peur de nuire à son parcours professionnel. Même si le salarié se sent intégré dans une entreprise engagée, il y a encore cette peur d'être soi-même. » D'après l'étude, un quart des répondants hésitent à exprimer leurs opinions par crainte d’être jugés ou discriminés. Nous sommes conditionnés à croire que notre authenticité pourrait nuire à notre carrière ou à notre relation avec nos collègues. Ce sentiment peut s'avérer dangereux puisqu'il « a un impact sur la santé mentale du salarié ».
Un masque social trop lourd à porter ?
Endosser une armure sociale au quotidien, en dissimulant nos véritables désirs et besoins, peut être lourd à porter sur la durée. Le risque est de se perdre dans un paraître qui vous rend malheureux, et d'oublier sa réelle personnalité en chemin. « Être soi-même au travail, ça devrait être normal. Lorsque l'on joue un rôle, c'est tellement compliqué de porter un masque, l'enlever le soir et le reprendre le lendemain. Cette façade crée du stress et de l'anxiété », alerte Boa Esperança.
Mais comment se détacher de ce masque social quotidien ? Les entreprises ont un rôle crucial dans la préservation de la santé mentale de leurs salariés. Pour notre interlocutrice de Randstad, le salarié doit aussi être proactif : « C'est à l'entreprise de créer les conditions pour que le salarié se sente lui-même et épanoui, mais c'est aussi à lui de s'informer. Qu'est-ce qui existe au sein de mon entreprise ? Quelles formations ? Comment m'en saisir et mettre en place des outils ? Le salarié peut aussi être force de proposition, il faut oser et interagir pour ne surtout pas s'isoler. » Aujourd'hui, les jeunes générations semblent mettre un point d'honneur à pouvoir exprimer leur véritable identité au travail, mais cet enjeu n'a pas toujours suscité autant d'attention chez leurs aînés.
Pourquoi le besoin d'être authentique au travail diffère-t-il d'une génération à l'autre ?
Près d’un tiers des personnes interrogées déclarent que leur employeur ne comprend pas leur génération, un chiffre qui diminue avec l'âge. Cette incompréhension chez la génération Z, née entre 1995 et 2010, est deux fois supérieure à celle des baby-boomers, nés entre 1946 et 1965 : 40 % contre 21 %. Cette dynamique influence directement l'authenticité que nous affichons dans le milieu professionnel puisque 67 % des salariés de la génération Z cachent certains aspects de leur personnalité au travail, contre 45 % chez les baby-boomers.
Contrairement aux anciennes générations, la Gen Z est consciente de cette problématique et ne se satisfait pas de la situation. Pour la directrice Innovation Sociale de Randstad France, les nouvelles générations savent ce qu'elles veulent et ne veulent pas : « La génération Z est plus exigeante. Elle veut se sentir bien dans un travail qui a du sens. Les anciennes générations n'avaient pas suffisamment pris en compte les thématiques de la diversité et de l'inclusion. La génération Z est tout à fait en accord avec ces principes. » D'après l'étude Workmonitor 2024, un quart des collaborateurs de la génération Z estiment ne pas pouvoir partager librement leurs opinions et plus de la moitié n'arrivent pas à être eux-mêmes au travail.
Être soi-même au travail : une tendance à long ou court terme ?
D'après Boa Esperança, « uniformiser les salariés va devenir de plus en plus compliqué pour les entreprises ». La diversité est source de créativité et de richesse : les employés le comprennent de plus en plus. « Sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, les entreprises ont considéré pendant longtemps qu'il s'agissait de l'intime et de la vie privée et que ça n'avait pas sa place au travail. Mais ce n'est plus le cas. » Les jeunes générations aspirent désormais à tisser des liens avec leur employeur afin de pouvoir être elles-mêmes dans leur environnement de travail. Elles souhaitent que leur parcours, leur situation singulière et leurs priorités soient pris en compte.
En effet, 47 % des répondants de la génération Z n’accepteraient pas un emploi si l’entreprise ne partageait pas leurs valeurs sociales et environnementales. Ce chiffre descend à 34 % pour les baby-boomers. La crise Covid a aussi accru la préoccupation sur la quête de sens au travail. « Est-ce que cela a du sens de faire un métier qui ne me correspond pas et dans lequel je vais être en souffrance ? Non, plus maintenant », conclut la directrice Innovation Sociale de Randstad France.
- X
Sur la même thématique
Préparez-vous à
décrocher votre job !
155 000
CV lus en moyenne chaque jour, soyez le prochain à être vu !
soyez visible auprès des recruteurs
911 627
offres en ce moment, on vous envoie celles qui collent ?
soyez alerté rapidement
Toutes les offres d’emploi
- Paris
- Lyon
- Toulouse
- Marseille
- Nantes
- Bordeaux
- Rennes
- Strasbourg
- Lille
- Nice
- Montpellier
- Aix-en-Provence
- Dijon
- Grenoble
- Reims
- Angers
- Annecy
- Tours
- Rouen
- Metz
- Accueil
- Média de l'emploi
- Être bien au travail
- INTERVIEW : "Être soi-même au travail, ça devrait être normal"
{{title}}
{{message}}
{{linkLabel}}