Chine : pourquoi tant d'inquiétude face au chômage des jeunes ?

Face à l’ampleur du chômage de masse chez les jeunes, le pouvoir chinois a fait le choix de ne plus publier de nouvelles statistiques à ce sujet. Mais le contexte n’en reste pas moins difficile pour un nombre important de jeunes Chinois.

Situation préoccupante pour les 16-24 ans

En juin dernier, le nombre de personne sans emploi parmi les 16-24 ans battait un nouveau record en Chine avec un taux de 21,3% de chômage, soit un peu plus d’un jeune sur cinq. En revanche, le bureau national des statistiques chinois (BNS) a annoncé qu’aucun nouveau chiffre ne serait communiqué pour les mois de juillet et d’août « Les statistiques de l’emploi ont besoin d’être optimisées en raison du développement économique et social  » a ainsi justifié son porte-parole Fu Linghui.

Chaque année, le chômage des jeunes connaît traditionnellement un pic estival en raison de l’arrivée sur le marché du travail des jeunes diplômés. Depuis 2018, première année de publication de la statistique, le taux de chômage des plus jeunes atteignait en moyenne 11,5% seulement. Mais les choses ont bien changé depuis la pandémie de Covid et l’économie chinoise peine à retrouver ses niveaux d’avant crise : croissance au ralenti, crise immobilière et baisse des exportations constituent le nouveau paradigme économique chinois.

Sur les réseaux sociaux, notamment Weibo, les principaux concernés ne sont pas dupes et n’hésitent pas à se montrer moqueurs d’après les messages consultés par l’AFP : « Pas de publication des chiffres = pas de chômage » grince ainsi un internaute, « Je n’ose même pas imaginer quel est le réel taux de chômage » se désespère un autre. « Traduction : laissez-moi trouver une nouvelle méthode statistique qui permette de réduire le taux de chômage » résume un troisième avec humour.

Des jeunes contraints de partager leur lit

Si le sujet de la non-divulgation des chiffres du chômage fait le buzz sur les réseaux depuis quelques jours, mettant en lumière toute l’ironie des jeunes Chinois face à la situation, c’est que le sujet du chômage est désormais une réalité aussi tangible qu’effrayante pour un grand nombre d’entre eux.

En particulier dans les grandes villes (NB. Les chiffres du chômage ne concernent d’ailleurs que les zones urbaines) comme Pékin, Shanghai, Shenzhen ou Guangzhou, où la hausse des loyers ne semble pas ralentir pour autant. En témoigne ce nouveau phénomène repéré sur Insider par le média français Korii : le partage de lit. Pour parvenir à payer leur loyer, de nombreux locataires diffusent désormais de petites annonces pour louer leur lit en collocation afin de pouvoir diviser la note par deux !

Une situation peu idéale pour, par exemple, fonder une famille… Or la Chine connaît justement une chute du nombre de mariage et un ralentissement démographique. L’une des principales causes ? Les difficultés d’accès au logement et le coût de vie dans les grandes villes, précisément. De quoi engendrer de nouveaux phénomènes sociaux étonnants comme l’apparition du « clan du clair de lune », dont nous vous parlions en début d’année : des jeunes cadres possédant de bons revenus qui préfèrent dilapider tout leur argent plutôt que d’économiser, comme leurs parents avant eux, pour un logement ou les études de leurs futurs enfants. En 2021, c’est le hashtag #tangping qui mobilisait sur Weibo les jeunes Chinois des classes moyennes. Il s’agissait cette fois de s’allonger par terre pour dénoncer l’injonction au travail acharné, au consumérisme et la culture du surmenage.

Autre effet pervers de la compétition de plus en plus féroce pour accéder à l’emploi, côté employeurs cette fois : l’apparition d’un nouveau plafond de verre. Comme nous l’apprenait HelloWorkplace récemment, de plus en plus d’entreprises chinoises ne souhaitent plus embaucher de nouveaux salariés trentenaires, les considérant comme trop séniors et trop chers. Au point que la « malédiction des 35 ans » semble être une réalité pour de plus en plus d’actifs. D’après certaines prévisions pourtant, le nombre de Chinois de moins de 40 ans au chômage pourrait s’élever à près de 50 millions d’ici 2028.

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