Clan du clair de lune : ces jeunes asiatiques qui refusent d'économiser et préfèrent tout dépenser

Rien à voir avec des fans d’un groupe de rock ou des adorateurs de loup garou, le « clan du clair de lune » désigne des jeunes qui dépensent chaque mois tous leurs salaires sans jamais rien économiser ou investir. Un phénomène sociologique qui interroge.

De l’impossibilité d’acheter un logement…

Taiwan, Singapour, Hong-Kong, Chine… Plus qu’une simple mode passagère ou une lubie de jeunes gens riches et désœuvrés, le clan du clair de lune est en train de s’imposer dans les pays industrialisés de l’est-asiatique comme un phénomène générationnel bouleversant tous les repères traditionnels.

Une appellation poétique qui provient à l’origine d’un jeu de mot en mandarin : 月光族 (Yuèguāng zú) est en effet une expression se traduisant telle quelle par « clair de lune » mais dont chaque idéogramme signifie littéralement « mois », « vide » et « épuisé ». Une expression consacrée qui désigne habituellement les personnes ne sachant pas gérer leur argent – un panier percé, dirait-on en France.

Cette fois, le terme désigne des personnes qui gèrent mal leurs finances... volontairement ! Le clan du clair de lune regroupe en effet des jeunes cadres de moins de 35 ans ou des salariés du tertiaire ayant de bons revenus mais qui dilapident la totalité de leurs salaires avant la fin du mois. Vêtements de luxe, restaurants, soins corporels ou encore voyages, ils consomment frénétiquement et ne gardent rien de côté.

Un achat immobilier ? Hors de prix et inatteignable pour la quasi-totalité des jeunes Hongkongais, qui habitent l’une des villes les plus chères au monde. Idem pour un Taiwanais ou la plupart des jeunes urbains de Chine continentale. Alors à quoi bon mettre de côté ? D’autant qu’une partie non négligeable de ces jeunes actifs ne peut tout simplement pas envisager l’épargne en raison du coût de la vie et de trop faibles rémunérations.

… A un véritable renversement des valeurs

Une mentalité à rebours de celle de leurs parents, qui préféraient au contraire thésauriser une vie durant pour offrir des études à leurs enfants ou financer l’achat d’un logement. Jusqu’à peu, la Chine avait ainsi la réputation d’être une nation d’épargnants prudents et la frugalité était autrefois une vertu traditionnelle de premier ordre.

Mais une grande partie des jeunes du clan du clair de lune n’aura probablement pas d’enfants… « Ils se sont habitués à une vie construite autour de leur personne et ne veulent pas "s’encombrer" avec d’autres humains » explique ainsi France Info.

Nihilisme consumériste ou individualisme émancipateur ? Le phénomène du clan du clair de lune risque en tout cas d’aggraver les problèmes démographiques de la région. Le taux de natalité à Taiwan est l’un des plus faibles au monde (1,2 enfants par femme) et a atteint un niveau historiquement bas en Chine, qui connaît un vieillissement de sa population beaucoup plus rapide que prévu. Si l’empire du Milieu a mis fin à la politique de l’enfant unique en 2016 (pour monter à trois enfants par couple en 2021), le boom des naissances n’a pas eu lieu. Dans un article de janvier 2022, Le Monde expliquait ainsi : « Les Chinois sont refroidis par la hausse du coût de la vie, du logement et surtout de l’éducation des enfants. » Le dragon qui se mord la queue…

En Chine continentale, une enquête menée l'année dernière par China Daily à Guangzhou auprès de jeunes de 15 à 35 ans a montré que 35 % d'entre eux faisaient partie du clan du clair de lune. A Taïwan, un sondage en ligne du site de recherche d'emplois Yes123 révélait récemment que 46% des jeunes actifs s’identifient à ce mouvement. Pire, 26% des sondés ne se contentent pas d’engloutir leurs rémunérations mais s’endettent également pour continuer à dépenser toujours plus.

Une tendance de fond qui pourrait avoir de graves répercussions macro-économiques à l’échelle du continent dans les années à venir, en particulier sur le marché immobilier ou le marché de l’emploi.

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