Aller au contenu principal
Être bien au travail

Comment se défaire de la pause clope au bureau ?

Par Léo Ferté • Publié le

Éléments de réponse avec la tabacalogue Catherine Phomsouvandara.

Comment se défaire de la pause clope au bureau ?
La pause clope fait figure de rituel pour les 12 millions de français qui fument quotidiennement.

Plus qu’une habitude, la pause clope fait figure de rituel dans le quotidien des 12 millions de français qui déclarent fumer quotidiennement. Mais comment venir à bout du tabac dans votre vie de tous les jours, et s’octroyer de vrais moments de détente dans la journée, autrement qu’en inhalant du goudron sous la pluie (cet article est écrit par un fumeur) ? Doit-on pour autant arrêter le café ? La clope aide-t-elle à tenir la pression au boulot ? On a posé quelques questions à ce sujet à Catherine Phomsouvandara, tabacologue à la Polyclinique Saint-Laurent de Rennes.

 

La pause clope est bien souvent un instant de détente avec ses collègues. Comment continuer à profiter de ce moment de socialisation, la plupart du temps avec des fumeurs autour de soi, sans être tenté de s’en allumer une ? Faut-il tout simplement l’éviter, si l’on essaye d’arrêter ?

Quelqu’un qui essaye d’arrêter le tabac peut être tenté de fuir, mais il y a un risque de se retrouver coupé de ces moments entre collègues, de casser ce lien social. Donc l’idée c’est de maintenir la pause, mais sans la cigarette !  Faire un break, c’est important pour la concentration, on en a besoin. Il faut sortir de l’environnement de travail, prendre l’air, s’étirer, etc…

Un fumeur qui prend une pause pour fumer, le matin par exemple, peut répondre à une sensation de manque, le manque physique de nicotine : c'est le corps qui réclame sa dose. Cette substance se fixe sur les récepteurs nicotiniques du cerveau, activant le circuit de la  récompense et la libération de dopamine… Et qui dit dopamine dit plaisir. La mise en place d’une substitution nicotinique peut donc aider à soulager le manque, mais le fumeur peut aussi croquer une pomme, par exemple.

Aujourd’hui on veut manger mieux, bio, être mieux dans son corps et en même temps on va s’envoyer des substances hautement toxiques dans le corps en allant prendre une pause cigarette, il y a une vraie incohérence là-dedans. 
Catherine Phomsouvandara

En ce qui concerne l’effet de groupe, il peut effectivement générer un effet de mimétisme, et cela peut pousser l’ex-fumeur à reprendre la cigarette. Mais on peut voir les choses autrement : quelqu’un qui se détache de la cigarette va attirer l’attention de ses collègues fumeurs. Il peut faire office de modèle et insuffler une dynamique positive pour se libérer d’une dépendance, que l’on sait hautement toxique.

Il faut bien se rendre compte que les fumeurs sont victimes de l’industrie cigarettière, et on est nombreux à être « tombés dans le panneau » : la cigarette coûte cher et ne sert à rien, c’est de l’argent qui part en fumée. Aujourd’hui on veut manger mieux, bio, être mieux dans son corps et en même temps on va s’envoyer des substances hautement toxiques dans le corps en allant prendre une pause cigarette, il y a une vraie incohérence là-dedans. 

Ce rituel de la pause clope est aussi lié à la consommation de café, puisque qu'on le couple souvent avec le tabac. Faut-il se défaire des deux en même temps pour maximiser ses chances d’arrêter la cigarette ?

Là, cela relève de la dépendance psychologique, et de la dépendance comportementale : le  plaisir de coupler les deux produits. Le café appelle la cigarette, et inversement. Donc effectivement, on peut passer à une autre boisson comme le thé, un sirop, etc… A chacun de voir ce qu’il se sent capable de faire ou non. Idéalement, cela peut être bénéfique de réduire sa consommation de café.

il faut quand même rappeler qu’il n'y a pas de seuil en dessous duquel il n'y a pas de risque pour la santé : même une cigarette par jour n'élimine pas le risque de développer un cancer bronchique. C'est la durée d'exposition qui compte le plus.
Catherine Phomsouvandara

On sait que la consommation de tabac a également à voir avec la gestion du stress, une sensation qui n’est pas étrangère à la vie de bureau. Avez-vous des techniques ou des conseils à donner à ceux qui enchaînent les cigarettes pour relâcher la pression ? D’ailleurs, la cigarette aide-t-elle vraiment à décompresser ?

Là aussi, on peut voir le problème autrement, et on revient à la dépendance physique : le fumeur en manque peut monter en pression tant qu’il n'aura pas fumé, donc le stress et la tension peuvent venir de ce manque de nicotine. Il doit donc toujours s’auto-réguler pour maintenir son propre taux de nicotine, sinon, il est nerveux, irritable, il manque de patience, etc…  

C’est comme la sensation de faim : on a besoin de s’auto-réguler pour maintenir un taux de glycémie correct. La différence avec le tabac, c’est que dans le cas d’un fumeur, ça peut se renouveler 10 fois dans la journée, voire 20 et souvent bien plus encore !

Prenez par exemple un employé qui, avant une réunion de deux heures, va fumer une voire deux cigarettes, en “préventif”. Sauf qu’au bout d’une heure et demi, la sensation de manque revient, et il ne pense plus qu’à sa prochaine dose de nicotine, il va regarder sa montre toutes les deux secondes et il va avoir du mal à se concentrer pour le reste de la réunion.
Catherine Phomsouvandara

Y a-t-il des secteurs dans lesquels on fume plus que d’autres (restauration, BTP, etc…) ?

Effectivement, il y a des professions sur-représentées comme les professionnels du BTP, ceux qui travaillent dans la restauration, les informaticiens… Sans oublier le personnel de santé comme par exemple les infirmières, ce qui prouve bien que la peur ne suffit pas à éviter le danger !  Si l’on regarde la société dans sa globalité, on remarque également qu’il y a un lien entre le tabac et la pauvreté : les populations qui fument le plus sont souvent les plus précaires, les moins favorisées. C’est paradoxal.

Pour ceux qui fument moins, il faut quand même rappeler qu’il n'y a pas de seuil en dessous duquel il n'y a pas de risque pour la santé : même une cigarette par jour n'élimine pas le risque de développer un cancer bronchique. C'est la durée d'exposition qui compte le plus.

La cigarette a-t-elle des effets indésirables qui altèrent directement notre capacité à travailler ? On sait qu’elle peut notamment avoir un effet sur la concentration…

Déjà, il faut bien avoir en tête que le tabac altère tous les organes : 17 localisations de cancer sont liées au tabac. C’est donc avant tout un risque pour la vie du salarié, et il le sait.  Avec le temps, la consommation de tabac peut altérer considérablement sa qualité de vie. Je pense particulièrement à la BPCO (broncho pneumopathie obstructive), une maladie pulmonaire chronique dont 80 % des cas sont liés au tabagisme.

Mais si l’on parle de conséquences un peu plus directes sur le travail : prenez par exemple un employé qui, avant une réunion de deux heures, va fumer une voire deux cigarettes, en “préventif”. Sauf qu’au bout d’une heure et demi, la sensation de manque revient, et il ne pense plus qu’à sa prochaine dose de nicotine, il va regarder sa montre toutes les deux secondes et il va avoir du mal à se concentrer pour le reste de la réunion. 

Je me souviens d’un employeur attristé par le décès d’un salarié qui avait un cancer du poumon, ce qui a créé un traumatisme chez les salariés de l’entreprise. Il a ressenti à ce moment le poids de sa responsabilité, protéger ses salariés au moins sur le temps du travail.
Catherine Phomsouvandara

Qu’en est-il de la cigarette électronique ? Comme partout, elle est de plus en plus présente en entreprise…

La cigarette électronique a aidé beaucoup de personnes à arrêter de fumer, et les études s’accordent pour dire que la vapote est moins dangereuse que la combustion du tabac.

Mais de par mon expérience, je constate aussi qu'il y a beaucoup d'utilisateurs de vapote qui deviennent accroc à cet outil. La HAS (Haute Autorité de Santé) nous demande de ne pas la recommander, mais aussi de ne pas dissuader les personnes à l’utiliser : à chacun de savoir ce qui va être le plus adapté pour lui. 

En tant que tabacologue, je dispose d’une belle caisse à outils, en particulier les substituts nicotiniques : je pense notamment aux patchs, aux pastilles à sucer ou à l’inhaleur, qui sont d’une aide précieuse à condition d’avoir des dosages adaptés. Mais au-delà de ça, c’est très important pour quelqu’un qui veut arrêter et qui n’y arrive pas seul d’être suivi sur la durée par un professionnel. Cela augmente considérablement les chances de réussir.

Les fumeurs consomment-ils moins en télétravail qu’au bureau ?

Ça dépend des situations qui amènent les salariés à fumer : est-ce par mimétisme, pour le lien social que représentent les pauses cigarette ? Ceux-là vont moins fumer lorsqu’ils sont en télétravail.

En revanche, certaines personnes vont voir le télétravail comme une opportunité de fumer quand ils le veulent, sans avoir à sortir dehors, donc ils vont davantage fumer lorsqu’ils travaillent de chez eux.

Et si arrêter de fumer en entreprise était une belle aventure, en équipe, un défi, une opportunité pour s’engager vers la liberté : celle de ne plus fumer ?
Catherine Phomsouvandara

Est-ce que l’entreprise peut concrètement aider ses salariés à arrêter de fumer ?

Oui ! D'ailleurs, notre service est souvent sollicité pour mener des actions dans les entreprises, le plus souvent à l’initiative des ressources humaines ou de l’infirmière d’entreprise, quand il y en a une.

L’entreprise met en place des stands, puis on organise une réunion d’information et d’échanges. On peut même entamer un suivi individuel auprès des employés : encore récemment j’ai eu l’occasion d’accompagner des fumeurs en entretien individuel au sein d’une entreprise, je les ai vus chacun 4 fois sur une période de 4 mois. Cela marche plutôt bien.

Qu’est-ce qui amène les entreprises à faire appel à vos besoins ? Après tout, on pourrait se dire que ce n'est pas vraiment leur responsabilité...

Je me souviens d’un employeur attristé par le décès d’un salarié qui avait un cancer du poumon, ce qui a créé un traumatisme chez les salariés de l’entreprise . Il a ressenti à ce moment le poids de sa responsabilité, protéger ses salariés au moins sur le temps du travail.

Heureusement cela peut être pour des raisons moins dramatiques, comme une baisse de la productivité : un salarié qui sort fumer de nombreuses fois chaque jour… Ça se voit dans les bureaux, mais on peut aussi parler de l’agro-alimentaire, où l’on doit se changer avant de sortir fumer, on entraîne d’autres collègues, cela peut se ressentir au niveau de la productivité.

En tout cas, les actions que nous menons en entreprise sont souvent constructives, ça entraîne une bonne dynamique au sein de l’entreprise,  les salariés se motivent entre eux,  il y a une prise de conscience collective. Et puis contrairement à la consultation en clinique, là on est sur leur terrain ! Et si arrêter de fumer en entreprise était une belle aventure, en équipe, un défi, une opportunité pour s’engager vers la liberté : celle de ne plus fumer ?

Pourquoi aller voir un spécialiste quand on veut arrêter la cigarette ?

En allant consulter dans un service de tabacologie, le fumeur va être accompagné pour apprendre à changer son comportement. On va le guider, et réfléchir avec lui à des alternatives, des stratégies d’évitement. On va pouvoir orienter le fumeur vers des activités telles que  la sophrologie, l’activité physique régulière, mais aussi le jardinage ou le bricolage... À lui de trouver ce qui lui correspondra le mieux . 

De façon plus globale, on va appliquer les principes et la posture de l'éducation thérapeutique, c'est-à-dire permettre au fumeur de bien comprendre et se situer dans les différents modèles de dépendance (physique, psychologique, comportementale), les différentes situations qui  l'amènent  à consommer (stress, moral, convivialité, plaisir, occupation, …), pour réfléchir à des alternatives. L’idée, c’est de le rendre  acteur dans sa démarche : le fumeur est le principal acteur de son arrêt, et nous sommes en quelque sorte les co-pilotes. Cela passe par l’évaluation de chacune de ses dépendances, mais on va  aussi s’intéresser à son histoire avec le tabac, à son sommeil, à son alimentation, l’environnement familial et social, le parcours de vie, etc… Ce qui peut parfois nous amener à rediriger la personne vers un psychologue, un diététicien. C’est différent pour chacun, on fait du sur-mesure !

Se débarrasser du réflexe de la cigarette, c’est un vrai apprentissage qui est progressif, et qui peut prendre du temps. On peut comparer ça au fait de construire une maison : si les fondations sont bonnes,  si un vrai travail est réalisé en profondeur, qu’il y a eu un vrai suivi : c’est beaucoup plus solide que de faire seul, ça ne va pas s’écrouler du jour au lendemain.  

 

Les sujets liés
Partager l’article
  • Facebook
  • X
  • Linkedin
Newsletter
Recevez par mail toute l’actu de l’emploi.
En cliquant sur « S’inscrire », vous acceptez les CGU et déclarez avoir pris connaissance de la politique de protection des données du site hellowork.com.

Préparez-vous à
décrocher votre job !

155 000

CV lus en moyenne chaque jour, soyez le prochain à être vu !

soyez visible auprès des recruteurs

Déposer mon CV

928 024

offres en ce moment, on vous envoie celles qui collent ?

soyez alerté rapidement

Créer mon alerte

Toutes les offres d’emploi

  • Paris
  • Lyon
  • Toulouse
  • Marseille
  • Nantes
  • Bordeaux
  • Rennes
  • Lille
  • Strasbourg
  • Nice
  • Montpellier
  • Aix-en-Provence
  • Dijon
  • Grenoble
  • Angers
  • Reims
  • Annecy
  • Tours
  • Rouen
  • Metz
Voir les offres d’emploi par ville
Les sites
L'emploi
  • Offres d'emploi par métier
  • Offres d'emploi par ville
  • Offres d'emploi par entreprise
  • Offres d'emploi par mots clés
L'entreprise
  • Qui sommes-nous ?
  • On recrute
  • Accès client
Les apps
Application Android (nouvelle fenêtre) Application ios (nouvelle fenêtre)
Informations légales CGU Politique de confidentialité Gérer les traceurs Aide et contact
Nous suivre sur :