Ne pas avoir d'ambition pro, c'est grave ? "Ce mot m'apparait comme une véritable montagne"
Qu’est-ce que ça veut dire avoir de l’ambition ?

Milie, 26 ans, exerce le métier de lingère dans une maison de retraite en Ille-et-Vilaine tout en étant illustratrice free-lance. Avec pour ambition de vivre un jour de sa passion pour le dessin ? Rien n’est moins sûr... Rencontre avec quelqu’un qui a choisi de ranger au placard les notions d’ambition et de réussite professionnelle telles qu’on les entend aujourd’hui pour privilégier son épanouissement personnel. Et si c’était ça la vraie ambition ?
« Sortir de ma zone de confort. Pour quoi faire ? »
Quand elle était petite, Millie rêvait d’être directrice de parc d’attractions pour « pouvoir faire des manèges toute la journée » ou… dessinatrice ! « Le dessin, ça a toujours été mon truc. » Une passion qui ne la quittera jamais et l’entraîne naturellement vers une école d’art à la sortie du lycée.
« Je me suis spécialisée très vite dans le dessin narratif, celui qui sert à raconter des histoires. J’ai fait une section concept art. Le concept artist intervient en amont de la production d’un dessin-animé, d’un jeu vidéo ou même d’une BD pour créer l’ambiance et le design. Plus précisément, je voulais devenir chara designer, c’est-à-dire la personne qui s’occupe des personnages. »
Pourtant, dès la fin de ses études, elle renonce à cette carrière toute tracée et à son ambition initiale, qui lui apparaît alors trop lointaine à bien des égards : « Premièrement, je ne voulais pas déménager à Paris car je suis très proche de ma famille. Deuxièmement, pour devenir chara designer, il faut passer des années à dessiner des brins d’herbe avant de pouvoir faire un personnage. Je caricature un peu mais cela m’apparaissait très, très loin. »
« Aujourd’hui, on recherche des concept artists qui savent tout faire : décors, objets, personnages. On ne peut pas se spécialiser avant plusieurs années. En début de carrière, on est donc obligé de sortir de sa zone de confort tout le temps… Mais je n’aime pas du tout cette idée de sortir de ma zone de confort. Pour quoi faire ? C’est au contraire là qu’on souffre et qu’on se lasse de faire ce qu’on aime. Je n’avais pas envie de me faire mal. Je ne vois pas l’intérêt de me dépasser tout le temps. A vrai dire, je trouve même ça terrifiant. Mon choix a aussi été une façon de me protéger et de préserver ma passion pour le dessin. Je ne gagne peut-être pas des mille et des cents aujourd’hui mais ça me convient. Je dessine pour moi, selon mes envies, mes inspirations. J’ai un boulot alimentaire pour vivre et ma passion à côté. »
Elle le concède néanmoins, ce choix de vie n’a pas été pas aussi simple qu’il en a l’air. « Je ne suis pas à plaindre car je suis resté quelques années chez mes parents. Sinon, ce n’est pas donné à tout le monde de faire ce que j’ai fait d’un point de vue financier. » Par ailleurs, son choix a été très bien accepté par ses proches et sa famille, « qui a été très compréhensive ».
« Je sais que beaucoup de gens ont pris mon choix pour de la paresse. Alors que je ne suis juste pas ambitieuse au sens où ils l’imaginent ! D’autres estiment que c’est du gâchis après toutes ces années d’étude… Sans parler de l’aspect financier. Mais je n’ai pas choisi l’école la plus chère et le sacrifice n’était heureusement pas démentiel pour ma famille. »
« Un boulot qui n’est pas exceptionnel et une vie tranquille, c’est tout à fait normal »
Aujourd’hui, Milie est une jeune femme épanouie malgré le regard parfois étonné d’une partie de la société : « Je n’ai pas de rêve de carrière ou de fonder une famille, donc les gens se demandent un peu dans quelle case me mettre. » Mais le plus important à ses yeux est d’être en paix avec elle-même. « Je suis beaucoup moins stressée à l’idée de réussir ou travailler dans le dessin. Cette ambition-là reviendra peut-être plus tard, qui sait ? Pourquoi on ne pourrait pas réussir sur le tard ? Je ne me ferme aucune porte. »
Et d’ailleurs, Milie ne manque pas de projets ! Elle prépare actuellement des illustrations pour un livre écrit par sa cousine. « On verra si ça décolle » explique-t-elle. « C’est un projet personnel donc on a aucune pression, on a nos boulots respectifs à côté. On prend notre temps. Avoir un job alimentaire, c’est quelque chose qui me sécurise énormément. »
Et à la question de savoir si elle manque d’ambition, notre illustratrice évoque plutôt un sens de la mesure et de la tempérance que n’auraient pas renié de nombreux philosophes antiques :
« Bien sûr que j’ai des ambitions, mais des petites. Ce ne sont pas les mêmes ambitions que la plupart des gens. J’essaie de voir moins loin qu’avant pour ne pas être stressée. Le mot ‘ambition’ m’apparait personnellement comme une véritable montagne. Les miennes sont petites, à mon niveau et conviennent à ma santé mentale – encore une fois parce que je peux me le permettre. Concernant l’argent, je ne suis pas très dépensière. Je suis plutôt un écureuil. Je suis dans la mesure. Bien évidemment, si tu veux flamber, ce n’est pas possible de vivre ma vie. »
Une vision de la réussite et du bonheur qui pointe doucement le bout de son nez dans la société française, à la suite du Covid, à mesure que les jeunes générations rentrent sur le marché du travail... et qui se normalise tant bien que mal entre deux post LinkedIn sur la réussite :
« Je n’ai pas une ambition démesurée mais je pense qu’il faut vraiment normaliser cela. On n’est pas tous appelé à devenir chirurgien ! Un boulot qui n’est pas exceptionnel et une vie tranquille, c’est tout à fait normal. »
« J’ai eu l’occasion d’en parler avec des collégiens une fois. Ils rencontraient des professionnels de tous horizons et je venais présenter ma micro-entreprise. J’ai été honnête avec eux en disant que oui, on peut faire des études en lien avec sa passion mais que c’est parfois trop dur d’aller jusqu’au bout par la suite, que si on préfère se reconvertir, ce n’est pas grave. Je leur ai même dit que le travail n’est pas le plus important dans la vie. Les élèves ont apprécié et très bien compris. Quant aux professeurs, ils m’ont avoué que les jeunes n’entendent jamais ce genre de discours. Je trouve ça fou ! C’est inutile de leur promettre monts et merveilles en évoquant la vie professionnelle… Il n’y a pas que des métiers passion dans la vie. Quand je rentre chez moi le soir, je ne pense pas au linge des résidents et c’est très bien comme ça. Je préfère que le dessin reste ma passion et j’ai ma micro-entreprise à côté de mon travail pour m’y épanouir. »
Retrouvez le travail de Milie sur sa page Instagram !
Crédits photo : Katsyarina/stock.adobe.com
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