« Les enjeux culturels de demain se trouvent dans les territoires comme l’Indre »

Côté initiatives culturelles, certains territoires n’ont pas à rougir face aux métropoles. Retour avec Joffrey Dériaud, directeur de Tonnerre Production et Nicolas (Niko) Lamatière, co-fondateur du Chauffoir, sur leur engagement pour la diffusion de la culture dans l’Indre.

Joffrey et Niko sont tous deux natifs du département. Après avoir vu du pays pendant quelques années, ils ont choisi de revenir sur leur terre d’origine pour lancer leur projet. Tonnerre Production, d’abord, est une association créée en 2012 et basée à Issoudun. Son objet principal ? « La diffusion et l’organisation de spectacles vivants dans la musique actuelle », répond Joffrey. A cette activité s’ajoute la prestation de service de communication et notamment la diffusion de supports papier ou dématérialisés, via des écrans éphémères.

Nicolas (Niko) Lamatière

Co-fondateur du Chauffoir à Châteauroux

Le Chauffoir est né en 2017 à Châteauroux, de l’union de deux compagnies de théâtre, La Bolita et Les 3 Cris, co-fondée par Niko, éclairagiste et metteur en scène de profession. « C’est un lieu culturel ouvert à la fabrique artistique et qui accueille des compagnies de danse et de théâtre ainsi que des photographes. On est un lieu de création plus que de représentation ou de restitution », explique-t-il. Conséquence de la crise sanitaire, le premier Chauffoir ferme en 2020 avant de rouvrir, sous une nouvelle forme, l’année suivante. Porté artistiquement par Les 3 Cris, l’association compte une dizaine de bénévoles.

« Il y a des initiatives incroyables sur les terres plus rurales »

Dans l’Indre, il y a de la place pour tous les acteurs culturels, constate Joffrey : « Les grandes agglomérations sont déjà saturées par l’offre. Les enjeux culturels de demain se trouvent dans les territoires comme les nôtres. Il y a beaucoup de choses à construire ! On se focalise toujours sur les grandes villes alors qu’il y a des initiatives incroyables sur les terres plus rurales et que le public est prêt à s’y déplacer. On le constate vis-à-vis de nombreux festivals en France, par exemple. »

Un avis partagé par Niko : « C’est un département qui a toujours accueilli beaucoup de compagnies de théâtre amatrices. Pas mal de festivals se sont créés, se sont arrêtés ou se sont renouvelés. Il y a une forte dynamique culturelle et alternative en campagne, des tiers-lieux et lieux intermédiaires. La population artistique est importante et je pense que cela est lié au plus faible coût de la vie. On peut créer plus facilement ! » 

Joffrey Dériaud

Directeur de Tonnerre Production à Issoudun

D’autant que, selon Joffrey, il existe une vraie solidarité sur le territoire. « Les acteurs culturels se connaissent très bien et ont l’intelligence de travailler ensemble. C’est d’ailleurs pour cela qu’on est encore là, tout comme d’autres. C’est, à mon sens, une particularité des territoires ruraux : on fait face à certaines difficultés mais on partage ces problématiques pour trouver des solutions communes », souligne-t-il.

Des temps forts culturels à l’année

A Châteauroux, le Chauffoir est ouvert à la pratique du théâtre tout comme de la danse, de la musique, de la marionnette et du clown. Depuis trois ans, une quarantaine de compagnies, groupes ou associations ont fréquenté le lieu. « On organise des résidences pour la création, précise Niko. Cette année, on va faire une coproduction avec un artiste de Strasbourg, Grégory Dargent pour son spectacle “Soleil d’Hiver”. Ce dernier mêle un solo de oud et un court métrage filmé en Super 8 dans les pays du Moyen-Orient. » Le lieu accueille également des compagnies de la région, et de plus loin, en résidence. « On a aussi des espaces de location pour les personnes qui ont besoin d’une salle et un studio de musique, pour les groupes du territoire », continue-t-il.

Tout au long de l’année, des temps forts y sont organisés. « Autrefois on avait un festival, qui s’est arrêté au moment du Covid. On a quand même régulièrement des expositions de peintures, des concerts ou des performances dansées. A chaque fois, on essaie de joindre une personne de la région et une autre d’ailleurs », complète-t-il.

Jusqu’en 2019, Tonnerre Production organisait le festival Issoudun Reggae Temple, en plus d’une programmation trimestrielle. « Aujourd’hui, on porte un projet phare, la Firemaster Convention, au mois d’octobre. C’est un projet à mi-chemin entre la convention thématique et le festival de musique. On y propose des activités autour de la culture metal comme des concerts ainsi que des tables rondes, des expositions, des ateliers, etc. On y a accueilli jusqu’à 1 000 personnes », souligne Joffrey.

Un soutien des institutions locales

Pendant la pandémie, en 2021, la Firemaster Convention s’est tenue en partie grâce au soutien des pouvoirs publics. « La ville de Châteauroux nous a bien accompagnés. Au moment où tout le monde était confiné, ils nous ont mis à disposition le Hall des expositions de Belle-Isle. On y a créé des studios vidéo pour y diffuser les concerts en direct. C’était incroyable ! On a fait près de 10 000 visionnages en près de 24h », raconte Joffrey.

Soutenu par le département, le Chauffoir et en particulier Les 3 Cris, participent au dispositif « Musique et Théâtre au Pays ». « Avec la compagnie, on joue régulièrement des spectacles de cette manière. Récemment, on est allé jouer à Fougerolles, une petite commune du département, grâce à cette aide. On a également une scène nationale qui suit plutôt bien les compagnies de la région et un vrai soutien du département concernant les ateliers de pratique artistique dans les écoles », indique Niko.

« S’engager de manière plus forte pour le territoire »

Etre acteur culturel, cela signifie contribuer à la vie locale. Le Chauffoir est implanté dans une rue castelroussine dans laquelle les voisins ont formé une association, il y a vingt ans. Invités aux différents événements du lieu, les habitants sont aussi conviés à passer de manière impromptue. « Cette année, en plus de la coproduction, on va soutenir une jeune photographe. On va lui demander de faire un reportage photo du quartier sur trois mois, pour capturer une mémoire à l’instant T, car le quartier est en pleine reconstruction. Le but est aussi de soutenir une jeune artiste », continue Niko.

En dehors de la dimension nationale portée par sa convention, Tonnerre Production veut participer à la médiation culturelle dans l'Indre via des projets socio-culturels. « L’idée est de s’engager de manière plus forte pour le territoire, toujours autour de la thématique métal. On est notamment en train de travailler sur un projet d’expositions itinérantes ainsi qu’avec les missions locales et maisons de quartier pour attirer les jeunes de l’Indre sur nos événements, leur proposer des interventions autour de cette culture. Au lieu d’être un simple diffuseur de concerts, on veut avoir un impact positif dans le social, l’emploi », conclut Joffrey.

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